PopCo (2004)
Après le formidable "The end of Mister Y" (la fin des mystères en français), je me suis attaqué au précédent livre de Scarlett Thomas: PopCoRésumé: Alice Butler, jeune anglaise passionnée par les mots-croisés, les énigmes et les codes secrets, travaille chez PopCo, le 3ème producteur mondial de jouets.
Son métier est de concevoir des jeux et jouets tournant autour de l'univers de l'espionnage, des énigmes et des symboles. Lors d'un séminaire de brainstorming, elle reçoit un message codé étrange, comme ses grands-parents, mathématiciens célèbres (ayant travaillés à Bletchley Park avec Turing sur le déchiffrement du code Enigma), lui avaient appris dans sa jeunesse.
Est-ce son père qui revient vers elle, disparu 15 ans plus tôt, parti à la recherche d'un soit-disant trésor, ou bien est-ce quelqu'un de PopCo, qui sait que son domaine de prédilection est de plus en plus en vu au sein de la multinationale?
Ma note: 2.14488156Ex48 !!! ;)
Remarque: lu en anglais
Ma critique: J'avais adoré son dernier livre (lire ici) et c'est donc tout naturellement que j'ai acheté PopCo. Dès les premières pages, j'ai été ravi. J'adore le style de Scarlett Thomas, c'est frais, intelligent et sacarstique. C'est une écriture moderne et la plume de Scarlett Thomas est acérée comme il faut. Via son personnage, elle commence par nous faire une étude vestimentaire et sociologique très amusante et fort pertinente sur l'importance du look dans les milieux b(plus ou moins) branchés en Angleterre, avec l'importance de suivre les tendances émergentes, et d'abandonner ces styles, dès que ceux-ci deviennent trop connus. Via cette petite étude, elle nous invite dans l'importance vitale des entreprises, avec leur politique marketing de plus en plus élaborée, de créer perpétuellement de nouvelles modes, de nouvelles tendances, des buzz, et que cela soit au niveau des fringues, de la nourriture, de la musique et bien entendu des jeux et jouets.
Et Alice Butler est justement au c?ur de cette machination subversive pour pousser les enfants à devenir accroc à des jeux et à des modes; et sachant que 80% des enfants et adolescents restent fidèles aux produits qu'il consomment dans leur enfance, l'enjeu est de taille pour cette multinationale du jouet. Et c'est pour cela qu'elle participe à ce camp de la pensée: créer le jeu le plus addictif possible pour la cible la plus difficile à atteindre: la jeune adolescente.
En parallèle aux découvertes des ficelles marketing à la limite de l'éthique du groupe PopCo, il y a la découverte du message codé qui intrigue Alice, et qui ramène à la surface ses souvenirs d'enfance: l'abandon de son père, la laissant seule avec ses grands-parents, mathématiciens férus, passionnés par les codes secrets, qui travaillent sur le manuscrit de Voynich et sur l'hypothèse de Riemann, et qui lui ont légué ce curieux collier avec cette inscription bizarre: "2.14488156Ex48".
A partir de là, Scarlett Thomas mène 3 histoires de front: l'intrigue du message codé, les réticences d'Alice à abuser des méthodes de marketing virales pour appâter les jeunes consommateurs, et l'enfance d'Alice, qui l'a menée jusque là. L'histoire de l'enfance d'Alice est d'ailleurs une vraie réussite! La sociabilité difficile de la petite fille à l'école est jubilatoire et prend littéralement le dessus sur les 2 autres intrigues. Avec l'insertion de la légende du pirate Stephenson, auteur d'une carte au trésor en langage codé, que le grand-père étudie, et qui semble avoir presque terminé le décryptage, on part dans un univers onirique qui m'a fait pensé au délirant Cryptonomicon de Neal Stephenson que j'ai lu il y a 4/5 ans de ça. La référence est flagrante du fait du nom du pirate, identique à l'auteur, et du fait que les grands-parents sont aussi loufoques que Lawrence Pritchard Waterhouse et autres héros du Bletchley Park du livre de Neal Stephenson (livre que je vous conseille vivement si vous aimez les histoires déjantées!).
Toutefois, l'importance de l'enfance d'Alice et du décryptage de la carte au trésor par le grand-père, fait que le reste de l'intrigue (celle du présent) en devient fade. Les cas de conscience d'Alice adulte m'ont apparu sans réelles convictions, trop détachées, malgré le sous-message révolutionnaire à la Fight-Club qui s'insinue peu à peu dans l'esprit d'Alice, pour mettre à bas cette société consumériste.
Evidemment, les 3 intrigues finissent par se rejoindre et les lecteurs attentifs comprendront aussi le message caché derrière le nom de ses héros (un peu comme dans "la fin des Mystères"). En effet, c'est l'histoire d'A(lice) qui rencontre B(en), ce qui l'amène vers C(hloé), clé de la solution à son énigme et à son épineux cas de conscience.
Elémentaire ma chère Scarlett!
Et même si je suis resté sur ma faim dans la deuxième partie du livre, je remercie Scarlett Thomas pour ce voyage et cette découverte des messages codés, de la cryptographie, de ce surprenant parchemin qu'est le "manuscript de Voynich" et enfin de l'importance des chiffres premiers.
Note sur l'auteur:
Scarlett Thomas est née à Londres en 1972. Elle enseigne la littérature et l?écriture à l?université du Kent. "La Fin des Mystères" est son quatrième roman.
Quelques liens:
- Site officiel de l'auteur
- Achetez "PopCo" sur Amazon.fr
- Pour en savoir plus sur le manuscript de Voynich