Suite au succès fulgurant de la comédie musicale, le film sort courant 1975 aux USA...dans l'indifférence générale. Le public est absent, la critique boudeuse, fait la moue alors que la comédie musicale est devenue une pièce culte.
C'était dans le strict cadre d'une exploitation très localisée et théatrale. Au cinéma, c'est une autre histoire, "Rocky Horror" ne peut absolument pas convenir au spectateur moyen, au public de masse. Comment faire avaler à l'auditoire lambda, une histoire qui mêle références cinématographiques de série B (Frankenstein - Tod Browning - Ed Wood - le style RKO - Flash Gordon - les films de la Hammer), les comédies musicales (avec un bel hommage à Esther Williams), la bande dessinée, les films de Russ Meyer (et ses fantasmes mammaires), un mauvais goût délibéré et évident (les couleurs criardes des maquillages, de certains costumes, les sous-vêtements risibles de Sarandon et Bostwick), les délires homosexuels et outranciers de Tim Curry, ou, outrage suprême, le Rock, encore sulfureux en 1975.
En fait, tout ceci ne peut plaire qu'à une frange ultra inspirée et informée du public...et c'est justement cette "population" décalée, qui va faire renaître "Rocky Horror" de ses cendres commerciales et financières.
Le film se ramasse magnifiquement et est progressivement retiré de l'affiche...sauf dans certains cinés branchés, notamment urbains où le spectacle va continuer et de la plus belle manière. Les adorateurs de cet OVNI cinématographique, vont à nouveau utiliser la première
recette, le bouche à oreille...Les salles projetant le film, vont alors voir arriver d'étranges spectateurs, maquillés ou vêtus comme les héros du spectacle, connaissant les
répliques et les chansons par coeur, participant aux scènes projetées (la bataille du riz du début), dansant sur les rythmes effrénés de Richard O'Brien ou singeant Tim Curry dans son rôle d'androgyne extra-terrestre..." The Rocky Horror Picture Show" est devenu le premier film interactif de l'histoire du cinéma, où les fans font partie intégrante du spectacle, créant des happenings totalement délirants et inattendus.
A ma connaissance, il n'y a pas d'équivalence dans le genre. En tous les cas, dès 1980, le film commençait à rapporter de l'argent, et son succès est depuis ininterrompu. Et le résultat purement cinématographique dans tout cela? Une curiosité inraccontable, parfaite sur le plan
formel, utilisant à profusion les clichés les plus éculés de chaque genre abordé avec un réel bonheur, une photographie somptueuse, des décors nocturnes magnifiques, de superbes trouvailles de mise en scène, un second degré absolument de rigueur, des nanas bien roulées et délibéremment vulgaires, Susan Sarandon en petite culotte, Tim Curry qui en fait des tonnes en travelo style Lou Reed, re-pompant tous les gimmicks de Jagger, Richard O'Brien en valet (du style Creepy), qui se la joue à outrance, Meat Loaf en biker, de la science fiction des années 50, ou du film d'horreur des années 30 de la RKO...bref une drôle de mayonnaise qui a réussi
à prendre, par le talent, la volonté et l'intégrité de ses auteurs.