Shame
Critique: Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un tel coup de coeur pour un film (d'auteur). Shame est un film envoutant, traitant d'un sujet un peu dérangeant (l'addiction sexuelle) de manière un peu glauque, mais traitée de manière absolument classieuse. Le réalisateur Steve McQueen maitrise toutes les subtilités de son art: le jeu d'acteurs, la mise en scène, la photographie et le montage. Une scène culte dés l'entame du filmLe film commence par nous dévoiler de manière indirecte l'addiction du personnage principal, le sexe. Cette scène introductive est entrecoupée par une scène d'anthologie qui se déroule dans le métro. Brandon, joué par Michael Fassbinder, déshabille des yeux une jolie rouquine; mais son regard scrutateur nous invite à comprendre qu'il ne dévisage pas seulement la belle: mais qu'il envisage! C'est une scène d'une très rare intensité, un pur moment de cinéma. Tout est dans le regard: le moindre mouvement de l'iris scrutateur de Michael Fassbinder se posant sur la belle Lucy Walters, déclenche une multitude de sentiments sur sa proie. D'abord un sentiment de gêne, remplacé peu à peu par une pudeur à la puissance sexuelle insoupçonnable. Cette scène vous trouble et vous fera penser à ces quelques regards croisés intimes que vous avez pu avoir dans les transprost en commun avec un(e) bel(le) inconnu(e), sans jamais avoir osé soutenir le regard, ni de faire le premier pas. Une addiction incarnéeOn pourrait résumer le succès, ou du moins le buzz, car "Shame" reste un film d'auteur, à la seule interprétation de Michael Fassbinder. Je savais qu'il était un acteur remarquable, mais là , je suis littéralement conquis par sa prestation. Difficile de trouver les mots tant sa prestation est parfaite. Il suffit de voir et revoir cette scène introductive dans le métro pour comprendre. Je ne m'épancherai donc pas plus sur sa prestation. Je retiens surtout la parfaite alchimie entre un réalisateur, un acteur exceptionnel, un photographe, un musicien et une ville qui fait de ce film un chef d'oeuvre. New-york New-York!L'autre personnage de ce film n'est pas la petite Carey Mulligan, mais la ville de New-York elle-même. La caméra se promène dans les rues avec une lumière et prise de vue de toute beauté, tel un magazine de papier glacé. Du bar du dernier étage d'un hôtel, le boss de Brandon le rappelle: "putain j'avais oublié que cette ville est belle". C'est bien la noirceur d'en bas qui agit sur quelques âmes perdues: l'immensité de la ville nous renvoie directement à la vacuité de notre vie citadine. Le personnage de Michael Fassbinder me rappelle celui de Willem Dafoe dans "Lightsleeper" de Paul Schrader; où là aussi, il s'agissait d'un homme perdu dans son addiction et dans sa ville. Une bande son exceptionnelleLe dernier élément indissociable à la qualité de ce film est sa musique. L'atmosphère sereine et mélancolique composée par Harry Escott est une pure merveille. Et quand les notes de piano de Glenn Gould s'épanche sur la froideur des sentiments de Brandon, on devient totalement envouté par cette atmosphère. Extrait: Autre(s) film(s) du réalisateur |